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Wednesday, February 2, 2011

Arrêt du jugement de l' Abbé Emile Nsengiyumva.

717 Arrêt du jugement de l' Abbé Emile Nsengiyumva

Arrêt du jugement de l' Abbé Emile Nsengiyumva.
La dictature Rwandaise détient le prêtre Emile Nsengiyumva sur seul crime d'avoir dénoncé la destruction des huttes des pauvres. Lisez l'arrêt d'une justice sous ordre.

ORDONNANCE NO 003/11/TB/NZG
0880451/S1/11/MS/GE

ORDONNANCE NO 003/11/TB/NZG DU 07/01/2011

EN CAUSE

DEMANDEUR
Ministère Public au niveau du Tribunal de Base de Nzige, représenté par les Officiers du Ministère Public MUKESHIMANA Ellen et GATERA Elie.

DEFENDEUR
Abbé NSENGIYUMVA Emile, fils de BAZAHICA Etienne et MUKANSHUTI Philomène, né le 15/08/1966, dans le secteur Kimisagara, District de Nyarugenge, Ville de Kigali, résident dans la zone de Feri, cellule Nyabubare, secteur Karenge, District Rwamagana, Province de l’Est, Rwandais, célibataire, prêtre.

PREVENTION 
Avoir, en dates des 19/12/2010 et 25/12/2010, en l’Eglise des secteurs Karenge et Nyakariro, District Rwamagana, Province de l’Est, en République du Rwanda, porté atteinte à la sûreté de l’Etat, infraction prévue et punie par l’article 166 du décret- loi no 21/77 du 18/08/1977 instituant le code pénal.

I.LES FAITS DE LA CAUSE
[1]L’officier du Ministère Public demande la détention provisoire de l’Abbé NSENGIYUMVA Emile poursuivi pour atteinte à la sûreté intérieure de l’Etat, infraction prévue et punie par l’article 166 du décret- loi no 21/77 du 18/08/1977 instituant le code pénal.

Des faits ont été commis les 19/12/2010 et le 25/12/2010 dans les secteurs Karenge et Nyakariro, lorsque l’Abbé NSENGIYUMVA Emile représentant la paroisse Karenge, a prononcé, au cours des différentes messes réunissant les chrétiens, les paroles exhortant les chrétiens à ne pas mettre en application le programme de l’Etat de limiter les naissances et celui de lutte pour l’éradication des maisons couvertes de paille, dit «Nyakatsi », et que ce qui détruisent ces maison sont des «ibigarasha» (des bons à rien).

[ 2]Parmi les indices sérieux de culpabilité sur lesquels se base le Ministère Public, il y a le fait que l’Abbé NSENGIYUMVA Emile reconnaît comme siennes les paroles prononcées au cours des différentes messes, confirmées par les différents témoins. Le tribunal va examiner si les indices soutenus par le Ministère Public sont sérieux et suffisants pour justifier la détention provisoire.

II. ANALYSE DES FAITS DE LA CAUSE
a)    Question de savoir si les propos tenus et avoués par l’Abbé NSENGIYUMVA Emile constituent des indices sérieux.

[3] Le Ministère Public a soutenu, à la page 20, que l’Abbé NSENGIYUMVA Emile a avoué avoir dit aux chrétiens venus à la messe de Noël qu’il désapprouve le comportement des chrétiens qui ont détruit les maisonnettes de leurs voisins, car ils ne sont pas des « Intore  »(Braves), mais plutôt des lâches;

[4] Au cours de l’audience publique, l’Abbé NSENGIYUMVA Emile n’a pas nié ces propos, au contraire il a affirmé qu’il appelle « ibigarasha »
( des bons à rien), les chrétiens qui ont osé détruire les maisons d’autrui. Il voulait simplement leur faire comprendre qu’ils doivent suivre la loi de l’amour [ du prochain ] et éviter d’être chrétiens seulement de nom.
[ 5 ] Le Ministère Public a dit que l’Abbé NSENGIYUMVA Emile a interdit aux chrétiens qui ont détruit les huttes de communier à la messe de Noël avant de se confesser (côte 21) ; pour l’accusation,  il voulait décourager le peuple et le rendre insoumis  au pouvoir.

[ 6 ] Pendant l’audience, l’Abbé NSENGIYUMVA Emile a dit qu’ il n’a fait que rappeler que, en tant que chrétiens, toute personne qui avait agi ainsi, ne pouvait pas aller à la communion sans d’abord se confesser ;

[ 7 ] Le Ministère Public a ajouté que l’Abbé NSENGIYUMVA Emile a appelé certains chrétiens dont les huttes ont été détruites pour qu’ils se mettent devant l’assemblée afin de raconter comment leurs huttes ont été détruites, et le Ministère Public considère qu’il s’agit là d’une manière de soulever la population contre les projets de l’Etat.

[ 8 ] Ici, l’Abbé NSENGIYUMVA Emile,  quant à lui, il a dit que quand il a demandé à ceux dont les biens ont été endommagés de se lever,  ne se sont justement présentés que les vieilles avec leurs enfants ; et que lui en tant que pasteur il parle pour eux, et il a ajouté qu’une coutume qui ne protège pas les personnes âgées et les enfants tombe en désuétude.
[ 9] Le Ministère Public a ajouté – voir côte 28- que l’Abbé NSENGIYUMVA Emile a avoué avoir critiqué, à l’Eglise, publiquement, les projets de l’Etat, ce qui signifie qu’il n’est pas d’accord avec la stratégie adoptée pour lutter  contre les maisons couvertes de paille. Il aurait dû approcher les autorités civiles et les consulter, en tant que citoyen qui aime sa patrie au lieu de blâmer les chrétiens qui ont mis à exécution ce projet.

[ 10 ] Ici, l’Abbé NSENGIYUMVA Emile a dit qu’il ne trouve pas de raison de d’abord consulter l’autorité  avant de s’adresser à ses ouailles.   
Toutefois, il a affirmé s’être adressé à certains responsables de cellule et de quartiers.

[ 11] Le Ministère Public a poursuivi en démontrant que – voir côte 18 et 19 – l’Abbé NSENGIYUMVA Emile a avoué avoir dit publiquement aux chrétiens que la limitation des naissances a de mauvaises conséquences sur leur vie propre, oubliant que la non limitation a des conséquences plus graves pour la famille et pour le pays.

[ 12 ] Ici, l’Abbé NSENGIYUMVA Emile s’est défendu en disant qu’ il fustige l’usage des médicaments pour réguler les naissances, car ces médicaments ont des conséquences néfastes surtout pour les femmes. Et d’ajouter que l’Eglise prône la méthode naturelle. Raison de plus,  il est membre du forum du secteur Karenge, un forum de sensibilisation pour la régulation des naissances, il ne peut donc pas être contre le programme de régulation des naissances.

[ 13 ] Le tribunal constate que l’Abbé NSENGIYUMVA Emile avoue judiciairement et publiquement qu’il a critiqué la manière de mise  à exécution du programme de lutte contre les maisons couvertes de paille. Il dit  que les chrétiens qui l’ont fait sont des déchets, et  avoue qu’il leur a interdit de communier dans cette messe de Noël.  Il  a demandé à ceux dont les maisons ont été détruites d’aller devant les autres et expliquer comment leurs maisons ont été détruites. Il a avoué avoir dit aux chrétiens que la prise des médicaments pour limiter les naissances a de mauvaises conséquences sur la vie des femmes. Tout ceci a été dit dans les messes des 18/12/2010 et 25/12/2010 en oubliant que la parole est prise pour la vérité et qu’il l’avait préparée comme l’affirme son Conseiller, Monsieur Karambizi Canisius. Tout ceci peut soulever la population et l’inciter à la désobéissance jusqu’au soulèvement pouvant compromettre la sécurité du pays.
Le tribunal trouve qu’il s’agit là d’indices sérieux de culpabilité contre l’Abbé NSENGIYUMVA Emile ; qu’il a commis l’infraction pour laquelle il est poursuivi sur base de l’article 95 de la loi no 12/2004 du 17/05/2004 portant code de procédure pénale telle que modifiée et complétée à ce jour.

[14] Sur le point de savoir si les témoignages de NZAGIRAMUNGU Célestin, UHORANINGOGA Fidèle, TWIZEYUMUKIZA Jean Bosco, KAMANZI Védaste et TWIZEYEMUNGU Donat doivent être considérés comme des indices sérieux.

[15] Parmi les indices sérieux avancés par le Ministère Public, on trouve ce témoignage de TWAGIRAMUNGU Célestin aux côtes 6 et 7 où il a expliqué que l’Abbé NSENGIYUMVA Emile a commencé en critiquant le fonctionnement des juridictions Gacaca et la mise en application du programme de lutte contre des maisons couvertes de paille, en ajoutant que les auteurs se sont entraînés dans Itorero (braves). Le témoin UHORANINGOGA Fidèle, côte 9 – explique que l’Abbé NSENGIYUMVA Emile a mis en avant les vieilles et a dit que le programme de lutte contre les maisons couvertes de paille n’est en rien différent de ce qui s’est passé en 1994 en voulant démontrer que rien n’a changé.  Le  témoin TWIZEYUMUKIZA Jean Bosco- côte 11 et 12 – a expliqué que l’Abbé NSENGIYUMVA Emile a dit qu’on ne peut pas défendre l’enfant et le vieillard qui ne respectent pas les droits de l’homme. Le témoignage de KAMANZI Védaste se trouve à la côte 13 ; il est Secrétaire Exécutif de la cellule  Nyamatete, et affirme que l’Abbé NSENGIYUMVA Emile a dit qu’on ne peut détruire la maison de Jésus à la campagne et revenir à l’Autel, que cette façon de dire les choses lie les autorités devant exécuter le programme de l’Etat. Le témoin TWIZEYIMANA Donat – côte 13 – affirme que l’Abbé NSENGIYUMVA Emile a dit : « D’où venons-nous ? Où allons –nous ? » ; Que s’il en était ainsi le peuple souhaiterait avoir une autre direction ayant une autre vision.
[16] Au cours de l’audience publique, l’Abbé NSENGIYUMVA Emile n’a pas nié les différents témoignages. Il s’est expliqué en disant que la coutume qui ne veille pas sur les intérêts des jeunes et des vieux n’a pas d’avenir ; il a demandé à ceux dont les maisons ont été détruites de se présenter, il a constaté que seuls les vieilles avec leurs enfants se sont présentés alors que ce sont ces mêmes personnes qu’il entend défende. Quant à la comparaison avec ce qui a été fait pendant le génocide et la lutte contre les maisons couvertes de paille et le mauvais fonctionnement des juridictions Gacaca, il a dit qu’il n’a fait que donner des exemples, entre autre exemple « détruis - toi même ta maison, et si tu ne veux pas, nous le faisons à ta place et tu payes le travail ainsi fait » ; il a dit que dans les juridictions Gacaca , on a constaté qu’il y a eu des gens poursuivis pour destruction  des biens, faire partie des assaillants et d’autres qui disaient qu’ils étaient mandatés par leurs compagnons pour aller tuer leurs voisins. Il a continué en expliquant que la mesure prise à l’encontre des chrétiens qui se sont livrés aux destructions des maisons couvertes de paille était une façon de leur rappeler en leur qualité  de chrétiens que celui qui se sent coupable ne peut pas communier ; qu’il a dit aux chrétiens que ceux qui ont commis pareils actes ne peuvent pas communier  avant de se confesser et que cela ne doit pas être considéré comme une punition faute de liste des auteurs.

[ 17 ] Le tribunal trouve que toutes ces paroles prononcées par l’Abbé NSENGIYUMVA Emile au cours de la messe de Noël du 25/12/2010 à l’Eglise de Nyakariro tel qu’expliqué par les témoins aux côtes 6, 7, 9, 11, 12, 13, 14 constituent les indices sérieux de culpabilité, surtout en ce qui concerne les témoignages concordants et les aveux comme expliqués ci- haut. Ainsi, avoir tenu pareils propos critiquant la mise en œuvre du programme de l’Etat de lutter contre les maisons couvertes de pailles,
en disant que ceux qui l’ont fait sont des déchets, en donnant des exemples comparant cette mise en application avec le génocide, en disant que cette coutume qui ne protège pas les enfants et les vieux ne respecte pas les droits de l’homme,  en empêchant de communier ceux qui ont mis à exécution le programme du gouvernement, en prononçant publiquement des paroles telles que « d’où venons- nous ? » , « où allons –nous ? »

[18] L’article 93 de la loi no 13/2004 du 17/05/2004 portant code de procédure pénale, telle que modifiée et complétée à ce jour, prévoit que « L’inculpé ne peut être mis en état de détention provisoire que s’il existe contre lui des indices sérieux de culpabilité et qu’en outre le fait parait constituer une infraction que la loi réprime d’une peine de deux ans d’emprisonnement au moins.

Et l’article 166 du décret-loi no 21/77 du 18/08/1977 instituant le code pénal prévoit que l’infraction pour laquelle il est poursuivi est punie d’un emprisonnement de deux à dix ans.

[19] En conséquence, le Tribunal considère que l’Abbé NSENGIYUMVA Emile doit être détenu préventivement.

III. DECISION DU TRIBUNAL
[20] Le tribunal décide la détention provisoire de l’Abbé NSENGIYUMVA Emile pendant trente jours (30 jours) à la prison de Nsinda.
Ainsi décidé et prononcé en audience publique du 07/01/2011.


Le Juge                                           Le Greffier
MUKARUREMA Justine                           NZATEGEREZA Léonard